La théorie des quatre humeurs, partie 2 : La pratique médicale durant le Moyen Âge
- P.J. Bonnet
- 15 avr. 2024
- 6 min de lecture
Dernière mise à jour : 21 mars

Mes cher(e)s penseurs contemporains,
soyez les re-bienvenu(e)s à ce volet qui explore la médecine du Moyen Âge !
Dans La théorie des quatre humeurs, partie 1 de ce volet, nous avons vu comment la théorie révolutionnaire des quatre humeurs, formulée par le médecin grec Hippocrate, est aussi le produit des concepts provenant des plus grands penseurs de la Grèce antique.
Cette théorie devient bientôt une pratique médicale, sophistiquée par le médecin et chirurgien, Claude Galien. Cette approche médicale subsistera pendant plus d'un millénaire jusqu'à la Renaissance.

La théorie des quatre humeurs relie les quatre liquides corporels ( sang, bile jaune bile noire et flegme ) aux quatre éléments de l'Univers ( air, feu, terre, eau ). Cette approche relie intimement l'humanité à l'Univers, car l'Homme est un microcosme qui existe au sein de l'Univers, le macrocosme. Ce microcosme qu'est l'humanité représente alors une version miniature du macrocosme qu'est l'Univers.
Le médecin de l'Antiquité cherche alors à mieux comprendre l'Univers dans l'espoir de mieux comprendre l'humanité, ou vice-versa.
Dans cet article, nous revisiterons plusieurs des éléments déjà établis par les prédécesseurs, les contemporains et les successeurs d'Hippocrate, mais nous les observerons de plus près :
I.
Composantes et qualités des quatre humeurs :
Pour réabsorber et visualiser tous les éléments que nous avons étudiés dans le dernier article, je vous ai illustré des designs pour représenter, en plus grand détail, les quatre types humoraux et leurs qualités respectives: sang, bile jaune, bile noire, flegme.
II.
La pratique médicale selon la théorie des humeurs :
Comme des assistants médicaux fidèles et avides d'apprentissage, nous suivrons un médecin du Moyen Âge dans sa journée de travail et observerons sa méthodologie d'un peu plus près...
Sur ce, mes ami(e)s,
allons-y de bonne foi, et... de bonne humeur !

I.
Composantes et qualités des quatre humeurs :
SANG


BILE JAUNE


BILE NOIRE


FLEGME


Pourrait-on dire que la théorie des quatre humeurs était un ancien test de la personnalité?
D'après toi, laquelle des quatre humeurs te représente le plus?
II.
La pratique médicale selon la théorie des humeurs:

Le rôle du médecin de l’époque était premièrement de repérer les manques et les excès dans les humeurs de leur patient, puis de corriger ces déséquilibres et ainsi, de rétablir la santé.
Interview et diagnostic du patient :

Le médecin découvre les excès ou les manques des fluides corporels ( humeurs ) en employant une méthodologie holistique :
Comme le font la plupart des médecins de nos jours, le médecin du Moyen Âge formule ses premières observations en questionnant le patient au sujet de ses habitudes quotidiennes et ses malaises apparents.
Examen de l'urine :
En observant l'urine du patient sous la lumière du jour dans une fiole de verre, le médecin du Moyen Âge prend note de la couleur, de l'odeur, l'opacité et dans certains cas, de son goût.
Examen des selles :
Les selles du patient, qui peuvent aussi révéler soit un excès, soit ou une carence digestive ou alimentaire, sont aussi inspectées.
Examen de la température et de l'humidité corporelle :
Prenant en considération les qualités du chaud, froid, sec et humide, le médecin humoral inspecte la température et l'humidité du patient. Prenons pour exemple le sang, qui est de qualité chaude et humide. Si le patient est trop chaud et humide ( qualités sanguines ) alors le médecin humoral pourrait en déduire que le patient souffre d'un excès de sang. Il faudrait alors réduire la température et l'humidité du corps du patient, ou bien de réduire le montant de sang dans le corps du patient, peut-être en lui administrant une saignée ou lui prescrivant un code vestimentaire, un jeûne ou une diète spécifique.
Autres observations :
Un médecin responsable prend note de tous les facteurs : respiration, odeur de l'haleine, odeur corporelle, qualité de la voix, force et endurance musculaire, motricité, dextérité, couleur de la peau, sensibilité tactile, aspect des yeux, qualité de la vision, de l'ouïe, etc.
Traitement du patient :
Lorsqu'un diagnostic a été formulé, le médecin humoral prescrit au patient un traitement qui vise à rétablir les déséquilibres dans ses humeurs :

Alimentation :
Le médecin médiéval utilise une pharmacopée d'herbes variées, de boissons et de nourritures chaudes, froides, sèches ou humides afin de rétablir la température, l'humidité et ainsi, l'équilibre dans les humeurs du corps.

Repos :
Le médecin des humeurs soutient qu'un repos adéquat est indispensable à la santé corporelle et mentale. Il peut prescrire à ses patients un repos selon les besoins, ou, dans certains cas, administrer un léger somnifère.

Massages :
Le massage est utilisé dans la pratique médicale humorale, soit pour améliorer la circulation des humeurs, accélérer la guérison d'une blessure, soit pour évider les muscles d'une humeur excessive ou pour sécher, humidifier ou redonner de la chaleur et de la couleur à la peau.

Bains thermaux et traitements climatiques :
Pour rétablir les humeurs, l'humidité et la température de son patient, le médecin du Moyen Âge peut prescrire à son patient un bain chaud ou froid, selon le besoin. Le médecin pourrait aussi déconseiller les bains excessifs aux patients qui souffrent d'un excès de sang ou de flegme, car ces humeurs sont déjà de qualité humide et ainsi, un bain risquerait d'aggraver la condition du patient.

Le médecin du Moyen Âge peut aussi prescrire au patient de prendre de l'air ou d'éviter les vents forts, de se recouvrir ou se découvrir, d'aller sous le soleil ou de l'éviter, de prendre un bain chaud ou un bain froid, ou, pour les patients mieux disposés, de séjourner pendant un certain temps dans une zone climatique plus favorable.

Purges et drainages :
Lorsqu'un médecin médiéval décide qu'un patient souffre d'un excès et a besoin de faire le vide, il peut lui administrer une gamme d'herbes médicinales et de protocoles : laxatifs, émétiques ( pour stimuler le vomissement ), lavements profonds ( intestinal ) ou diurétiques pour faire passer l'urine.
Selon les besoins, le médecin humoral se charge aussi du drainage du flegme excessif des sinus. Il draine aussi les plaies et les abcès des excès de sang ou de bile jaune, car le pus était à l'époque ( incorrectement ) considéré comme étant de la bile jaune.

Saignées
Les saignées étaient certainement plus courantes au Moyen Âge que de nos jours. Le médecin pique, avec un instrument pointu, une ouverture dans une veine du patient et, pendant un temps déterminé, en draine le sang considéré excessif. Il ne faut évidemment pas faire durer la saignée trop longtemps...

Sangsues
Ces vers aquatiques, qui se nourrissent principalement de sang, sont également appliqués autour des plaies et sur les zones affectées d'excès sanguins.
Calculer tous les facteurs :
un traitement selon l’âge, les saisons et les cycles astraux

Selon la théorie des humeurs, le médecin humoral doit également prendre en compte les saisons, l’âge du patient et même du temps de la journée: des facteurs qui pourraient affecter la production des humeurs du patient.
Prenons comme exemple le flegme, qui, de qualité froide et humide est produite en plus grande abondance durant l'hiver. Si un patient est de type flegmatique, ( enclin à des excès de flegme ) il serait possible que celui-ci bénéficie davantage d'un traitement pendant l'hiver. C'est alors le devoir du médecin de traiter son patient selon les temps, les saisons et même les cycles lunaires et solaires.
Voici un autre scénario : le médecin médiéval pourrait favoriser les traitements des excès sanguins durant l'enfance, le matin, pendant les journées chaudes et humides, ou pendant le printemps, car d'après la théorie, la production du sang est à son maximum durant ces temps particuliers. D'autre part, le médecin devrait faire attention de ne pas administrer de saignées excessives aux patients pendant l'hiver, en soirée, ou aux patients plus âgés, car ces périodes sont des temps où ils produisent naturellement moins de sang.

En effet, le médecin du Moyen Âge doit considérer plusieurs facteurs variables et faire preuve de prudence. Après tout, on ne peut pas administrer une saignée trop prolongée, ou prescrire à un patient des laxatifs indéfiniment... Car lorsqu'on fait le vide, il faut aussi savoir comment bien refaire le plein.
La théorie des quatre humeurs a connu quasiment deux millénaires d'influence médicale en Occident.
Mais avant de nous quitter, parlons franchement : trouvez-vous la théorie des quatre humeurs un peu bizarre ? Excessive ? On peut bien se permettre de le dire aujourd'hui. Car la théorie des quatre humeurs et sa pratique ont été abandonnées pour laisser place à notre science médicale moderne. Et quelle évolution.
Sur ce, j'espère que cet article vous aura mis de bonne humeur et a aidés à apprécier les origines et l'évolution de notre science médicale moderne.
Et, pour ceux et celles qui écrivent des scénarios qui traitent de médecine ancienne, j'espère que cet article puisse vous servir de guide ou de point de départ dans votre propre recherche concernant ce sujet intriguant.
À bientôt,
P.J. Bonnet

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